Apprendre le Chara Design

Chara design 

Raconter une histoire c’est d’ abord créer les acteurs qui porteront les idées de leur créateur. Le chara design est au cœur de la problématique du dessinateur qui cherche à créer des histoires. Perfectionner son chara design, c’est donc aussi perfectionner son storytelling. Dire qu’il existe une recette pour dessiner serait une offense à l’intelligence humaine, pourtant pour faire du chara design, il existe certains principes qui dirigent mon crayon et auxquels est invariablement sensible la psyché humaine. Je distingue plusieurs points d’ intérêt sur lesquels se focaliser quand je pense character design. Il y a le côté graphique auquel tout le monde bien sûr, il y a tout son background mais surtout trouver le vernis qui va lier l’ ensemble du casting et renforcer l’ impression de chacun des perso.

Tout d’ abord un visuel distinctif, il faut doter son perso d’un bon look si on ne veut pas qu’ il ressemble au premier quidam venu. Varier les courbes et les silhouettes, distribuer les accessoires et les traits d’esprit. Derrière le look, il y a aussi une âme, l’auteur peut s’y attacher comme il s’attacherait à ses propres gamins. Cela passe par des traits de caractère bien définis et un background vraisemblable pour le rendre crédible. Enfin il faut penser à la cohérence de son line up pour que chaque perso parcourt une zone du spectre du possible, bien distincte les uns des autres sans se marcher sur les pieds. Finalement, harmoniser les relations entre les persos c’est donner un vernis, un motif qui rappelle le lecteur au thème principal. C’est la marque des meilleurs chars design. 

Mes références en la matière sont très diverses. Pour commencer, Tezuka explore vraiment le plus large spectre de personnages que j’ connaisse et constitue par sa culture un excellent point de départ en tant qu’inspiration.

Une autre très grande réussite est Final fantasy 9 qui représente pour moi le summum de l’ élégance en termes de charadesign. Il a su synthétiser l’ enchantement, et l’ universel dans chacun de ses héros.

La série persona a ingénieusement réussi à disposer ses protagonistes sur un deck de cartes du tarot divinatoire comme pour anticiper le destin de chacun d’eux. 

Le jeu 13 sentinels connaît par cœur ses tropes sur les anime d écoliers japonais et en invoque un représentant de chacun comme autant de points d’ ancrage familiers pour le joueur.

Dans Death Stranding, chaque personnage a un lien particulier avec la mort, les rapprochant de façon unique au  thème principal de l’ extinction imminente de l’humanité et la nécessité de rester connectés.

En appliquant cette philosophie à Dreamtime Travellers, mon propre projet, je me suis inspiré d’un poème de Baudelaire pour inventer mon casting. Original n’est ce pas ? La poésie, la vertu ou le vin, ce triptyque crée une partition inédite de la question de ce qui vaut la peine d’ être achevé dans la vie, et chaque pendant à son incarnation dans l’histoire à travers les trois héros, Kaalita, Cordelia,et Swayne. Kaalita est plutôt typée indienne avec ses cheveux long bouclés platine et son physique fluette. Cordelia est plus mastoc et porte un habit raffiné triangulaire qui rappelle celui des mousquetaires. Swayne est grand et bien bâti mais traîne dans des guenilles d’ esclaves. Le contraste est posé.

Ce qui est remarquable dans mon dessin est comment Kaalita qui est le perso principal a son design très maîtrisé tellement je l’ai répété de fois, comment Cordelia est fixe aussi dans son design depuis longue date mais varie sur ses accessoires, Swayne par contre reste encore un mystère pour son créateur. Il cache son regard fuyant derrière une touffe de cheveux frisés et voit ses habits redessiner plusieurs fois d’ affilié. Son thème général est plutôt la Grèce antique dont on retrouve quelques éléments par ci par là. 

Quand on place les trois personnages côte à côte on peut lister les points de contraste exacts qui font qu’ ils présentent bien chacun un des extrêmes du spectre des possibles.

Un soin particulier a été donné sur le trio de tête pour porter à bout de bras le scénario de Dreamtime Travellers.

Tout d’ abord Kaalita la jeune furie rebelle, la petite chipie qui a confisqué la magie des rêves du monde de Dreamtime. Toute mignonne et si terrible pourtant. Son aspect général présente en gros des formes ondulées et elle porte des habits plutôt fashion pour l’ époque avec pleins d’accessoires et broderies de fantaisie. 

Cordelia est une militaire plus rigide. Avec une coupe au bol bombée et un regard froid et strident, et une cape pour la protéger dés pluies diluviennes qui s’ abattent sur la côte. Ses énormes cuisses sont protégées par une armure légère et des gants durs en peau de dragon la protègent des coups de ses ennemis.

Swayne traîne plusieurs accessoires faits pour le restreindre. On voit direct que c’est un type dangereux et à l’ apparence sordide. Tout est désordre sur son design et tout laisse entendre qu’il n’est pas une fréquentation agréable. C’est un guerrier et il arbore plusieurs vêtements du soldat de la Grèce antique. 

En surfant sur la même logique et en itérant sur l’ ensemble du cast on peut proposer un panel de personnages varié au lecteur qui peut enfin se choisir son petit chouchou dans le tas. Des jeunes des vieux, des gens droits ou pleins de manigances et de duplicités, des gros des maigres, des gens de la hautes bourgeoisie très sournois et de mécréant mercenaires au cœur tendre, des gens de basses extraction au bon sens, des salauds finis et corrompus capables de gestes d’éclats. Combien de variantes peut-on encore trouver ? Seule votre imagination a la réponse exacte…