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Une Histoire du JRPG
Ma conviction est que le tour par tour n’est pas mort pour autant, n’y a-t-il pas des millions de gens qui continuent à jouer aux échecs ? Outre la dextérité des mains, le jeu peut aussi faire appel à la réflexion lors de résolution de quête ou de puzzle, ou lorsqu’il faut prendre des décisions qui changent le cours du jeu et même à sa sensibilité dans de rares occasions. Et on ne compte pas toutes les variantes de jeux d’arcade qui s’immiscent entre les mains du joueur que ce soient des mécaniques de jeu de précision/tir (Crystal Bearers), jeu de construction (les villages dans Dark Chronicle), jeu de labyrinthe (Vagrant Story) ou jeu de shoot’ em up (Nier) ! Le joueur doit être investi corps et âme mais surtout diverti.
Au fond, les moyens limités et les codes de représentation propres aux J-RPG de cet âge d’or donnent de la distance entre le joueur et le monde virtuel et même si celle-ci empêche une immersion totale, se pose comme une distance de sécurité qui lui permet autant l’action que la réflexion. Tous ces aspects font qu’ils sont devenus à mon avis le parfait mariage entre les manga/anime qui savent avec un ton léger nous parler de choses si profondes, les livres (regardez le script massif de
Xenogears), le cinéma et la musique. Ils constituent un terrain idéal pour les jeux féconds de l’imagination. Ils permettent de s’échapper du réel sans se faire aliéner par un média trop imposant. On n’est pas conduit de force dans l’histoire comme un livre qu’on peut refermer pour rêvasser et s’approprier du matériel. Chacun fait de ces œuvres une expérience authentiquement personnelle car elle se déroule en partie dans l’imagination du joueur.
Depuis que l’industrie des jeux vidéo brasse les dollars par paquet de millions, la logique de création a complètement changé. Les sommes mises sur la table rivalisent avec le budget de films hollywoodiens et ne permettent plus de prendre les mêmes libertés. Beaucoup de studios ont à leur tête de vrais businessmen pour qui les seuls critères de réussite deviennent les chiffres de vente brutes. Quand je parlais d’artisanat et de produits développés par des passionnés, je n’étais pas si loin. Si l’on regarde les carrières très hétéroclites des grands auteurs de RPG, on voit qu’avant de devenir des professionnels du genre, ils venaient vraiment d’horizons divers. Ils n’ont pas été formatés pour produire le prochain hit de la console, mais étaient mus par une passion sincère de création et de partage et ouverts à différentes formes d’inspiration que l’on ne qualifierait plus aujourd’hui de «bankable» (la philosophie, la psychologie, les obscurs folklores d’Asie…). L’arrivée en masse des jeux vidéo même médiocres font de l’ombre aux jeux de qualité auxquels il faut investir du temps pour les apprécier. Ce temps d’attention disponible du joueur est maintenant si faible (la logique des réseaux sociaux), qu’il ne se rabat plus que sur des jeux dont la gratification est immédiate. Mais où est passée la poésie dans nos galettes ?
Votre fidèle serviteur vous invite néanmoins à pénétrer dans le temple oublié et mystérieux des J-RPG. En moins de quelques décades, il s’est retrouvé évincé au rang d’un monument d’un temps révolu. Envahi par la lierre, accumulant la poussière, l’endroit continue d’être alimenté par une source d’eau claire qui rappelle les jours heureux où fixé à sa manette, bien avachi dans son canapé, on montait en niveau son petit héros à la poursuite d’un énigmatique ennemi toujours plus proche de provoquer la fin du monde. Il reste quelques rares pèlerins qui viennent ajouter des fleurs aux pieds de leurs idoles et ceux-ci sont innombrables. Qu’en est il de leur légende ? Les pages qui vont suivre vont vous guider à travers la riche histoire des J-RPG, et présenter ceux qui, à mon sens, ont contribué le plus à la grandeur de cet âge d’or. Attention, dans le souci de célébrer sans retenu la gloire de mes idoles, je vais spoiler les jeux dans tous les sens. Soyez prévenus !