Dessiner efficacement

Dessiner efficacement 

L’ art est long et le temps est court. On se rendra bien vite compte que c’est cette dernière partie qui compte le plus ici. On court après le temps comme on court après les amis, ce sont deux choses qui définissent une vie bien vécue.

Dessiner vient avant tout d’une énergie vitale et viscérale, quand on dessine on met en jeu ce que l’on a de plus précieux, mais cette énergie vient chaque jour en quantité très limitée, elle est volatile comme le plus subtil arôme et va et vient comme une muse capricieuse. Savoir dompter cet afflux d’inspiration, ou au contraire créer les conditions propices pour provoquer la motivation…ce sont des années d’ expérimentation, la sagesse de toute une vie rassemblée ici.

En attendant, les tâches plus laborieuses peuvent être acquittées pour puiser dans le réservoir d’ énergie brut. C’est cette capacité à jauger et valser entre ces deux réservoirs qui détermine l’ efficacité au travail ! En clair, il ne faut pas attendre l’ inspiration, c’est l’ utilisation bien contrôlée de son effort permanent qui permet de provoquer un état de grâce au moment opportun.

Travail par couche

Le secret d’un travail en continu vient de sa faculté à découper des projets colossaux en couches bien distinctes. Une première couche qui consiste à définir les grands axes d’un manga ou d’une vidéo et de les poser sur le storyboard ou la timeline, cette phase demande le plus d’ inspiration et d esprit de synthèse, puis une couche de finition qui avec de la méthode ne requiert plus qu une attention fine et un effort laborieux. Ce partitionnement intelligent permet de se fournir un travail en accord avec sa disposition du moment, qu’elle soit plus ancré dans la création ou plutôt dans le bourrinage.

Je suis plutôt une personne du matin, dès que je suis sorti du lit, les idées fusent, généralement je saute le petit déj pour rusher à ma table à dessin. C’est à ce moment que mon énergie créative est au maximum de la journée. Elle s’épuise généralement après une ou deux heures, c’est là qu’il faut la laisser se reposer pour qu’elle se ravive vers les coups de trois heures de l’ aprem. En attendant, je peux utiliser ce temps pour finir quelques tâches laborieuses de remplissage jusqu’à midi. Après un bon repas en face d’un manga, à se prélasser un peu, je peux me remettre à utiliser cette inspiration qui a eu le temps de se renouveler pour continuer quelques dessins qui demandent une attention extraordinaire. Quand tout s’aligne : imagination, association d’idées, technicité, précision, spontanéité… on peut dire que le dessinateur atteint un certain état de grâce. Cet éclair de génie qui arrive à mêler une infinité d’images, les jeter dans le fourneau de l’imagination pour en sortir une synthèse parfaite.

Feedback

Ce travail en fonction de sa propension sur le moment à la créativité ou au bourrinage, m’oblige à partitionner tout ce que je fais en phases distinctes de réalisation. C’est ce que j’appelle le travail par couche. Chacune de ces couches ne nécessitent pas le même type de travail et je peux réserver un travail de finition pour les moments où je manque de concentration ou de motivation pour créer qqch from scratch. Par exemple, chaque projet a une phase de rush ou je mets en place les grandes idées le plus vite possible. Le travail de finition de chaque partie est du coup remis à un autre moment.

Planification

S’organiser permet de créer de l’ordre dans son planning. Être trop rigide peut décourager, être trop libre peut être castrateur. Un bon équilibre des deux me paraît judicieux mais pour cela, il faut avoir une très bonne conscience du temps que nous prend chaque action. Chaque semaine faire le bilan de ce qu’on a fait, chaque soir avant de s’endormir récapituler ce qu’on a accompli permet de bien étaler l’effort de manière rationnelle sur le temps. Remplir ses objectifs dans le temps qu’on s’est fixé permet surtout de créer de la satisfaction qui propulse plus en avant le dessinateur avide.

La finalité de tout ça, c’est qu’il faut se faire un plan, à court terme, moyen terme et long terme. Se fixer des deadlines est d’une importance considérable pour arriver à ses fins. L’esprit n’aime pas vaquer dans le vide, avoir trop de temps libre est le moyen assuré de rater ses objectifs. Tous les matins, même quand je ne suis pas motivé surtout qd je ne suis pas motivé, je fais ma todo list de ce qui me rendrait content d’accomplir dans la journée. Généralement elles sont assez basses pour être sur que je les atteigne. Quand je complète la todo list, je suis souvent si content que je mets à en faire encore plus ! Finalement gérer son temps c’est ça, alterner la carotte et le bâton pour que la machine avance en continue. Travailler, c’est la santé !